Fragments d’un Liber veritatis

Gallimard, 1946

 Essai – journal.

Fragments d’un liber veritatis - Gallimard 1946
Fragments d’un liber veritatis - Gallimard 1946
Chamson a commencé ce livre d’une centaine de pages dans les derniers mois de 1941 et l’a continué durant l’année 1942, tout en écrivant en parallèle Le Dernier Village et Le Puits des miracles. Le titre fait écho au livre d’atelier que tenait Claude Lorrain, le grand paysagiste du XVIIsiècle, pour y consigner les étapes de ses œuvres et pour les authentifier ; il l’avait intitulé Liber veritatis. Dans le silence éditorial que s’impose Chamson pendant toute la durée de la guerre, il s’attelle à son propre « liber veritatis » qui, quoique très composé, restera fragmentaire, d’où le titre. C’est « le livre de raison d’un écrivain occupé seulement des conditions de son art » annonce-t-il dans la préface de 1946. Il s’agit d’une sorte d’étude esthétique touchant à la fois à la littérature et à l’art à laquelle s’ajoutent les réflexions qui assaillent l’écrivain dans « le trou noir » de ces sombres années, « où il rêve de lumière ».

À propos de …

Il est difficile de classer cet ouvrage. Il a été placé dans la Suite guerrière, en raison des dates d’écriture et d’édition mais aussi parce qu’il donne à comprendre l’état d’esprit de Chamson, dans cette période montalbanaise : condamné au silence, il se replie sur son art (« Que la solitude est nourricière ! Jamais je n’ai eu autant de projets, autant de travaux sur ma table ») et sur l’espoir (« Pour aussi profonds que soient ces malheurs, ils finissent toujours par s’ouvrir sur une espérance »). La préface de 1946, cependant, modalise le propos : « La Libération n’est que la Libération. C’est du reste bien assez. Mais ce n’est pas la porte monumentale d’un âge nouveau et d’une nouvelle naissance de l’homme. Une victoire peut marquer la fin d’une servitude, mais l’homme reste englué dans ses anciennes misères en dépit des Te deum et des salves des canons. Il n’a reconquis que le droit de retrouver son destin. Tout dépend de lui maintenant. Nous rêvions donc en imaginant qu’un monde nouveau allait émerger de nos douleurs et de notre victoire, comme une île inconnue après un énorme raz-de-marée. »
À ce titre, cet ouvrage aurait pu être classé dans « les écrits autobiographiques » car, outre ce témoignage sur la difficile reprise après la guerre, la première partie revient sur l’amour de la poésie qui n’a jamais cessé d’étreindre Chamson, depuis les lectures adolescentes, dans sa chambre.
 Enfin, étant donné son sujet, cet ouvrage relève également des « écrits sur l’art » car il traite, entre autres, de l’importance de la poésie, de l’abandon de celle-ci pour le roman, de la construction architecturale et de l’impulsion mélodique de l’œuvre romanesque (« Je n’ai rien fait – récit, nouvelle ou roman – qui n’ait été d’abord dans mon esprit comme un thème musical, une modulation mélodique. »), de l’indispensable recours au réel (
« Du peintre de nature morte qui découvre un morceau de pain oublié au coin de la table au savant qui reprend l’inventaire de l’univers, tous les créateurs alimentent alors leur puissance créatrice à ces intarissables ressources. ») et de la place de l’artiste et de l’écrivain dans son époque (sa « chance de grandeur […] ne peut être que dans son accord avec son temps. »).

Chamson par …

Chamson
(Devenir ce qu’on est, 1959) :
« Origines : Le désir de “ mettre à profit le silence et la solitude… et de considérer ce que j’avais déjà fait et ce que, peut-être, il me serait encore donné de faire. ” C’est le livre de la liberté de l’artiste à l’intérieur d’une servitude.
Thème : Trois parties : un regard sur le passé (l’histoire d’un enfant qui voulait être poète) ; sur le présent (combler le trou noir ou la vocation d’un romancier qui fait émerger dans la conscience claire la marge obscure de la vie de tous les jours) ; sur l’avenir, enfin (l’élan pour la reconquête des réalités polluées mais incorruptibles. »

Éditions

Édition originale, Paris : Gallimard, 1946 (Collection Les Essais, XXI).
Fragments d’un Liber veritatis, Arche, n° 15, 1946, p. 13-25.
« Liber veritatis » in Die Umschau, 1ère année, n° 2, octobre 1946, p. 184-187.