L’Auberge de l’abîme

Grasset, 1933
Roman Historique

L'Auberge de l'abîme - Grasset Pour mon plaisir 1933
L'Auberge de l'abîme - Grasset Pour mon plaisir 1933

L’histoire se déroule dans un lieu propice à l’éclosion des légendes, l’abîme de Bramabiau avec sa rivière souterraine, au si joli nom, « Le Bonheur ». Le récit est pourtant dramatique. En 1815, sous le Premier Empire, dans une France ravagée par les lendemains de Waterloo, un soldat de l’armée de Napoléon traverse les Cévennes pour rejoindre son pays natal. Il passe la nuit dans une auberge isolée, près de l’abîme de Bramabiau. Les guerres ont saigné à blanc les campagnes. Il est très mal reçu par la population rendue hostile par le passage d’autres soldats et par la circonscription qui a décimé la jeune génération. C’est le début de la Terreur blanche. Peur, incompréhension ou fatalité : le jeune officier commet un acte qui l’oblige à se réfugier dans l’abîme où il est soigné par un médecin et sa fille qui s’attache bientôt au jeune homme…

À propos de …

Chamson écrit ce court roman aux trois-quarts et quasiment d’une traite, en une vingtaine de jours, lors de l’été 1932. Il vient d’être opéré de l’appendicite par le docteur Henri Mondor, futur confrère à l’Académie, auquel il dédie l’ouvrage. Il profite de sa convalescence dans les Hautes Tatras, à Strebské-Pléso pour s’atteler à ce récit, presque par divertissement mais il mettra plus d’un an à le terminer.

Cette histoire romanesque est en rupture avec la production antérieure : Chamson a publié jusque-là deux essais, la Suite cévenole et un poème en provençal. C’est la première fois qu’il écrit un livre, sans trop savoir où il va aboutir, sans une réelle gestation. C’est un roman historique, genre dont il se saisira dans les années 60 pour écrire la Suite camisarde mais aussi, en 1974, Les Taillons ou la Terreur blanche qui renvoie à la période de 1815, comme L’auberge de l’abîme. Mais ce genre historique restera sans écho dans l’œuvre de Chamson, jusqu’à cette tardive production.

Cependant, même s’il s’agit d’une fiction, le cadre est bien réel et Chamson le connait parfaitement. E.- A Martel a exploré l’abîme de Bramabiau en 1888 – signant ainsi la naissance de la spéléologie, dit-on – et Félix Mazauric, le beau-père de Chamson l’a traversé en septembre 1890 et a dressé, avec E.-A. Martel, une carte précise de la rivière souterraine de Bramabiau en 1893. Chamson n’a donc pas choisi le lieu par hasard. Il a d’ailleurs exploré l’abîme lui-même, aguerri par les escalades en montagne qu’il pratique depuis sa jeunesse. Il rend compte dans un article paru dans Vendredi, trois ans après la parution du roman, de son émerveillement pour ce site naturel : « Pour ceux qui ne redoutent pas de se plonger dans l’eau glacée et de suivre le cheminement des corniches, Bramabiau réserve les trésors de son incomparable décor. J’ai rarement vu chose plus belle que la lumière lointaine du jour qui, après plusieurs heures d’escalade souterraine, frappe brusquement vos yeux tout au fond du grand couloir. J’ai rarement écouté un silence plus profond que celui des salles cyclopéennes où la poussière qui s’accroche aux rochers donne l’impression d’une accumulation séculaire. »

Lors des visites de l’abîme, les guides montrent aux touristes « la salle de l’étoile » (on aperçoit tout en haut un morceau du ciel), dite « salle de l’officier », en référence au roman de Chamson.

Ce roman a été adapté à l’écran par Jean-Louis Bory. Le film, réalisé par Jean-Loup Berger, a été tourné en 1971 à Camprieu, en décor naturel, à la porte du Bonheur et dans l’abîme de Bramabiau, avec Louis Velle dans le rôle de l’officier. 

Chamson par …

  • Henri Pourrat, lettre du 25 avril 1933
    « [Ce texte] permet de voir le passé plus vivant qu’on ne le croyait, éclairant les anciens jours en les rapprochant de notre présent et faisant rentrer aussi ce présent dans la longue suite de l’histoire vivante. »
  • Romain Rolland, lettre du 26 avril 1933
    « [Ce roman] restera “classique” comme une grande nouvelle de Mérimée. »
  • Paul Desjardins, lettre du 13 mai 1933
    « Des façons de dire serrées, qui ne portent pas de millésime ; elles pourraient être d’un escamourcheur du XVIème, comme de Mérimée aussi bien que de vous. »

    Éditions

    – Édition originale, Paris : Grasset, 1933 (Collection « Pour mon plaisir », 10).
    Les Annales politiques et littéraires, 1933, tome 100.
    – Avec ill. de Georges Beuville, Paris : J. Ferenczi, Le livre illustré, n° 234, 1935.
    – Avec ill. d’André Maire, Paris, Gründ, 194, (Collection Gründ illustrée, série bouton d’or, n° 26).
    – Nouvelle édition, Paris : Grasset, 1957.
    – Avec ill. de Pierre Noël, Paris : Bourrelier, 1961 (Collection « l’Alouette »).
    – Presses de la Cité, 1974 (Collection « Press pocket »).
    – Paris : Hachette, 1975 (Collection « Bibliothèque rouge »).
    – Paris : Bernard Grasset, 1986 (Collection “Cahiers rouges”).
    Repris in Le livre des Cévennes, Omnibus, 2001, p. 381-494.
    – Dernière édition : Nîmes : Éditions Alcide, 2022.

    Éditions en langue étrangère

    The mountain tavern, traduit par Edwin Granberry, New-York : Holt, 1933.
    The fugitive, traduit par Edwin Granberry, Londres : J. Lane, 1934.
    The fugitive, New-York : Harper Ed. 
    Frederic Lehner, 1949.
    Die herberge in den Cevennen, traduit par Matthias Holnstein, Leipzig : Goldmann, 1934, 223 p. Repris en 1954.
    Die herberge in den Cevennen, traduit par Matthias Holnstein, Munich : Goldmann, 1954.
    L’Auberge de l’abîme, texte français avec introduction et notes de P.E. Charvet, Londres : Harrap, 1962.
    – Texte français repris dans « La Guilde du Livre », Lausanne, 1966.
    – Oberza nad Przepascia traduit par Olga Nowakowska, Varsovie : Nasza Ksiegarnia, 1967.