Le Chiffre de nos jours

Gallimard, 1954

 Autobiographie

Le Chiffre de nos jours - Gallimard 1954
Le Chiffre de nos jours - Gallimard 1954

Né à Nîmes en 1900, « sous le crocodile et le palmier », Chamson raconte son enfance d’Alès où il réside avec ses parents au Vigan, en pays cévenol. Il évoque ses racines : un père « qui eut en partage la rêverie » et qui mènera sa famille de faillites en dépôts de bilan, une mère et une domestique mises à rude épreuve par sa vitalité, un oncle qui taquinait la poésie, le grand-père Chamson, le premier à avoir voulu quitter les Cévennes pour fonder une usine à Nîmes et surtout la grand-mère maternelle, Sarah Aldebert, chez qui l’enfant, tout à la fois malingre et plein de vie, découvre la montagne et l’expérience fondatrice des crêtes.
De la découverte des sommets aux premières amours, des bagarres entre « l’école de tout le monde » et celle des « Frères », à sa découverte de la poésie et à l’arrivée de la guerre, Chamson raconte avec truculence ses quatorze premières années. À travers une galerie de portraits qui jalonnent son enfance se tracent en filigrane le devenir de l’homme de lettres, la morale de l’homme d’action et la philosophie d’une vie. 
 

À propos de …

Même si Le Chiffre de nos jours parait chez Gallimard avec l’intitulé « roman », il s’agit d’une autobiographie : Chamson raconte sa vie, depuis sa naissance à Nîmes jusqu’à la déclaration de guerre en 1914. Il cède enfin, la cinquantaine passée, à la tentation autobiographique : « En acceptant de se prendre pour personnage, le romancier ne fait qu’obéir à sa vocation » (Devenir ce qu’on est). 

C’est donc l’enfant Chamson que le romancier nous invite à suivre dans son parcours initiatique au cœur de la nature cévenole, dans un univers qui, sous l’effet conjugué du temps et de l’espace et à mesure que progresse la lecture, s’élève peu à peu de la vallée aux sommets de l’Aigoual. Une expérience fondamentale puisque c’est dans cet élan vers les hauteurs que se forgent les valeurs qui guideront l’existence de Chamson : « (La montagne) a été la toile de fond de ma vie. Elle a même été pour moi comme le fondement naturel de toute une morale. J’ai vécu dans la mystique de ses mouvements ascendants qui convergent vers ses sommets. ». (Devenir ce qu’on est).

Roman initiatique, Le Chiffre de nos jours est également le récit des origines
. Chamson y convoque la lignée cévenole, tenant à la terre depuis des siècles, des deux côtés de la famille : « Je suis de ce pays autant qu’on peut l’être » écrira-t-il dans Devenir ce qu’on est, « les miens l’ont habité depuis toujours ». Mais il se greffe sur la branche maternelle, celle de la grand-mère Sarah Aldebert qui incarne la stabilité. Elle habite au Vigan que le petit André rejoint le plus souvent possible pour les vacances, les périodes de maladie et de convalescence. Il y était heureux : « Dans notre maison d’Alès, j’étais un enfant humilié mais, au Vigan, chez ma grand-mère Aldebert, j’étais un petit seigneur de la montagne. »  La grand-mère, méthodiste, lui enseigne les valeurs et lui donne à lire la Bible. Et le vieux Finiels, qui cultive les terrains de Sarah à mi-fruit, joue le rôle des grands-pères disparus ; il lui parle en cévenol (à la base du futur attachement de Chamson à la langue provençale) et lui offre l’Aigoual : « Il m’a décrit mes montagnes avant que je les connaisse. Il m’en a livré les détours, les sentiers et les raccourcis. Il en a fait, pour moi, comme une terre promise dont il me montrait le chemin. » Il lui a raconté aussi les travaux de la route qui mène du Vigan à l’Espérou auxquels il avait participé : Chamson les évoquera dans Les Hommes de la route qui doit beaucoup à Finiels et ce dernier sera aussi au cœur de son premier roman, Roux le Bandit. C’est de ce côté qu’il faut chercher les racines profondes d’une œuvre et d’une existence dont Chamson trouve le socle dans ce qu’il nomme « le natif ».

Au-delà, enfin, le roman des origines fait écho pour Chamson aux origines du roman.  S’interrogeant sur la création romanesque, il explique en effet dans Fragments d’un Liber Veritatis qu’elle est un effort continuel pour faire passer la vie à la conscience claire et que l’objet privilégié de cette transformation est la jeunesse : « (…) la période naturelle qu’embrasse le roman est celle de l’expérience vécue, encore adhérente au présent mais déjà détachée de lui et soumise au seul jeu de l’intelligence et de la pensée. C’est pour cela que la période qui s’offre le plus naturellement au romancier est celle de son enfance et de sa jeunesse. Cette période des quinze ou vingt dernières années est la période même du roman. »

Le Chiffre de nos jours marque le début d’une réflexion autobiographique que Chamson poursuivra à travers Devenir ce qu’on est, publié en 1959 et Il faut vivre vieux, paru un an après son décès.

En savoir plus :

Généalogie d’André Chamson :
https://gw.geneanet.org/bourelly?lang=fr&n=chamson&oc=0&p=andre+jules+louis

Micheline Cellier-Gelly : « André Chamson (1900-1983). La force coercitive de l’enfance »
https://books.openedition.org/pupvd/10801?lang=fr

Chamson par …

Chamson
Devenir ce qu’on est,1959
« Tout ce qui concerne ces origines, tout ce qui comporte un caractère originel, le “natif“ comme disait André Gide, me passionne et le lecteur ne manquera de trouver un signe dans cette passion. J’adopterais volontiers une phrase d’Unamuno qui disait, je crois : « Rien n’est original que l’originel”, mais il faudrait rendre au mot « original” sa substance originelle et je n’ose pourtant pas lui substituer “authentique” qui serait un bon mot, s’il n’était fourbu par l’usage qu’on en a fait.
De toute façon, je suis hanté par ce problème des sources. Ceux dont je viens m’importent autant que moi-même ou, du moins, je m’intéresse à moi-même en rêvant sur eux. Je n’aurai pas vécu seul et, toujours, je me suis senti comme réincarné. »

Éditions

Édition originale, Paris : Gallimard, 1954.
Nouvelle édition, Paris : Gallimard, 1956.
Édition de luxe illustrée par Yves Brayer, Paris : Le Livre contemporain, 1958.
Paris : Gallimard, 1966 (Collection le Livre de poche).
Paris : Gallimard, 1973 (Collection Folio, 432).
Étrepilly : Christian de Bartillat Éditeur, 1992.
Dernière édition : Nîmes : Éditions Alcide, 2021

Édition en langue étrangère

A time to keep,  traduit par E. de Mauny. Londres : 1957. Traduit par Burns and Mac Eachern, Toronto : Victor E. Graham, 1965.