La Superbe

Plon, 1967
Roman historique

La superbe - Plon 1967
La superbe - Plon 1967
« La Superbe » est une galère sur laquelle rament, dans une puanteur terrible et sous les coups de fouet, deux cent soixante forçats parmi lesquels des voleurs et des assassins mais aussi des protestants qui, rebelles au Roi, ont décidé de rester constants dans leur foi. C’est aussi, dans un contraste saisissant, un palais flottant où le capitaine, M. d’Autigny, reçoit des nobles et les régale de festins et de divertissements. Dans l’assistance, se trouve Lucrèce de Montal, très émue par les souffrances de la chiourme et en particulier par celles des religionnaires qui ne méritent pas de subir un tel enfer. Dans ce long roman, se développent plusieurs fils : l’itinéraire particulier de Jean-Pierre Chamson, condamné depuis dix ans aux galères pour « assemblée illicite » et décrit par le bienveillant aumônier du bateau, comme un « agneau » au milieu d’une « meute de loups » ; la vie sur la galère, détaillée dans toutes ses horreurs ; l’histoire d’amour entre le sous-lieutenant de La Superbe, M. de Maroulles et Lucrèce qui n’arrive pas à oublier, malgré les fêtes provençales, le luxe de la noblesse aixoise et les ferrades, les malheurs des protestants et les violences qui ravagent les Cévennes… Le tout, sur fond de guerre des Camisards qui se déploie de 1702 à 1705 et dont les échos parviennent aux oreilles des galériens qui, de leur banc de malheur, assistent au passage de la soumission à la lutte armée. 

À propos de …

Chamson crée le personnage de Jean-Pierre Chamson qui se trouve au cœur de La Superbe à partir de deux de ses ancêtres : Jean-Pierre qui a légué à la famille sa Bible sur lequel il a inscrit son nom et une date, 1689 – soit 4 ans après la révocation de l’Édit de Nantes – et Louis Chamson qui fut envoyé aux galères. De tous les siens qui se perdent dans la nuit des temps, c’est ce dernier qui, pour Chamson, « a traversé les événements les plus terribles, les plus lourds de sens ». Il écrit dans la préface : « C’est par lui que je suis sûr de tenir à cette noblesse de la Liberté, sans laquelle l’histoire des hommes ne serait pas ce qu’elle est. » Il revit donc, passionnément, l’histoire des galériens pour la foi à travers cet ancêtre, comme s’il en était, en quelque sorte, une réincarnation : « Je crois avoir parlé de lui comme j’aurais pu parler de moi, mais au-delà de moi-même, et dans un destin plus grand que n’aura été le mien » confie-t-il dans la préface.

Curieusement, alors que les Camisards habitent sa mémoire depuis toujours – leur histoire lui a été transmise par sa grand-mère viganaise, Sarah Aldebert, dès sa plus tendre enfance – ils n’envahiront son œuvre qu’à partir de 1965. Ils apparaissent certes dans quelques textes antérieurs (notamment, un long poème en provençal en 1930, le discours au Désert de 1935, quelques épisodes du Chiffre de nos jours) mais sur le mode mineur. Après la soixantaine, il cède enfin à cette hantise ; il commence la préface de La Superbe par ces mots : « J’ai passé ma vie entière sans oser commencer ce livre. Il est fait. Il était temps de le faire. »

Il écrit La Superbe en 1967 et La Tour de Constance en 1970, tableau en deux panneaux qui déclinent les persécutions qui se sont abattues sur les victimes de la répression : les galériens et les prisonnières qui ne veulent pas abjurer. Ils « résistent » de la même façon. Ces opiniâtres disent : « Le roi est maître de nos corps mais jamais il ne le sera de notre conscience. »  Dans ces deux romans historiques, Chamson fait l’apologie de cette résistance spirituelle et la présente comme exemplaire de toutes les révoltes passées et futures.

Et, en même temps, il donne à entendre la geste camisarde, non plus à travers l’historiographie catholique mais en suivant la « légende dorée » de la tradition orale transmise par sa grand-mère. Son propos rejoint alors celui des romans historiques contemporains qui touchent au champ politique et idéologique. C’est une écriture de l’Histoire orientée mais qui s’appuie sur des sources solides : « Il fallait équilibrer la passion du créateur par l’exactitude du chartiste », précise-t-il dans la préface. Il ne cherche pas la vengeance, il veut faire faire récit : « Ce livre n’accuse personne. C’est seulement en se refusant à voir ce qui a été que l’on renouerait avec des culpabilités abolies. Qu’on ne me reproche surtout pas d’avoir assombri ce morceau de notre passé, qu’on ne me dise pas qu’il n’a pas été si terrible. Je suis certain de l’avoir éclairé autant qu’on pouvait le faire, sans manquer à la vérité. »

 

Chamson par …

Chamson – Préface de La Superbe (sur son ancêtre, Louis)
« De ce “domestique de Dieu”, je ne savais pourtant pas grand-chose, mais assez pour le connaître et avoir vécu longtemps avec lui. On trouve son nom sur le Matricule des galères, Grand Livre d’un enfer terrestre, aujourd’hui presque complètement oublié, mémorial du malheur conservé aux Archives de l’Amirauté de Toulon. Sur ce registre d’écrou, j’ai trouvé le signalement de cet ancêtre lointain, son portrait cursif brossé par des gens de police, “petite taille, cheveux, barbe, sourcils châtain clair, visage ovale, y ayant plusieurs taches de grains de poudre, tête chauve”, et ce portrait pourrait, à peu de chose près, être aussi le mien. Le Matricule porte également mention de son crime : il était allé prier Dieu au Désert, ce qui se dit, sous la plume des magistrats de l’époque : “pour assemblée illicite”. Ils furent alors des milliers à commettre le même crime, et ceux qui l’ont payé comme lui, dans les camps de la mort de l’époque, sont aussi nombreux que les victimes de la Terreur. […]  Ce galérien, natif du Pompidou, village perdu de la Lozère, comme toute ma tenace tribu, ce tisserand de cadis qui devait sans doute être aussi travailleur de terre, s’appelait Louis. On s’est toujours transmis ce prénom dans ma famille et il est encore un des miens. »

– Discours au Désert, 1954.
« Cette Histoire n’est pas, pour nous, l’Histoire qui dort dans les livres. Elle vit dans notre mémoire. C’est un souvenir de famille qui se passe de bouche en bouche. Il a suffi qu’elle se transmette trois fois, du grand-père au petit-fils pour rester présente dans nos cœurs ! »

 « Pendant ce millénaire au cours duquel la France s’est faite, chaque province a donné à la patrie ce qu’elle avait de meilleur. La Provence a donné ses chants, sa poésie et sa joie de vivre ; la Bourgogne ses bâtisseurs ; la Bretagne ses marins. Chacune apporte en dot ce qui n’appartient qu’à elle et qui devient peu à peu notre richesse commune… Il appartenait donc sans doute à l’une des plus pauvres de nos terres des montagnes d’apporter à la patrie le domaine immatériel de la liberté de l’esprit. »

Éditions

La Superbe, roman, Édition originale, Paris : Plon, 1967, 551 p.
Paris : Cercle du nouveau livre, 1967.
Lausanne : La Guilde du Livre, 1971.
Paris : Plon dépôt Hachette, 1972 (Collection « Le Livre de poche »).
Hendaye : Édition Édipro, 2000.
Repris in Suite camisarde, Omnibus, 2002, p. 11-392.
Paris, 1992, 510 p. (Collection « Le livre de poche -J’ai lu »).
Dernière édition : Nîmes : Éditions Alcide, 2022.

Édition en langue étrangère

Galären Stoltheten, traduit par Harold Bohrn, Stockholm : Norstedt. 1969.