Écrit en 1940…
Grasset, 1937
Réflexions sur la guerre
Après Quatre mois – Carnet d’un officier de liaison, récit de la première période de la guerre passée sur le front d’Alsace, d’octobre 1939 à janvier 1940, Chamson livre, ici, ses pensées après l’armistice de juin 1940. Démobilisé, il a rejoint son épouse Lucie Mazauric et d’autres conservateurs, dont René Huygue, à Montauban dont le musée accueille les chefs-d’œuvre du Louvre, partis en exode dès 1939. Chamson analyse son état d’esprit ; il évoque la période qui vient de s’écouler et les compagnons de combat. Le livre s’ouvre sur la dédicace : « À la mémoire de Jean Prévost, mon ami, Capitaine au maquis du Vercors, mort à l’ennemi, le 1er août 1944 ». Mais il veut croire en l’avenir et commence le livre, dans un esprit « testamentaire » par : « J’écris pour le jour de la liberté. J’écris pour conjurer les maléfices de la défaite. »
À propos de …
Chamson porte un regard lucide sur les événements récents : la débâcle, le « chaos d’héroïsmes et de lâchetés » qui « a dispersé les armées en quelques semaines » mais il voit déjà se profiler l’infamie de certains. « Ce n’est pas au moment de la prise de la ville que se montrent les hommes les plus hideux, c’est le lendemain. Je vois ce lendemain. » C’est ce qu’il racontera dans Le Puits des miracles, écrit aussi à Montauban. Mais jamais, y compris au lendemain de la défaite, Chamson ne renoncera à l’espérance : « Même aux plus sombres jours, […], nous aurons toujours gardé confiance dans l’inévitable retour de ce que les hommes ont imaginé de plus humain ».
L’essentiel du texte porte sur la conduite qu’il veut tenir, en tant qu’écrivain : lui qui, entre les deux guerres, a élevé la voix pour défendre les valeurs contre les totalitarismes, choisit maintenant le silence, qui n’est ni une fuite, ni une défaillance : « Je hais ce silence que nous impose la servitude, mais c’est pourtant lui seul qui peut, aujourd’hui, donner asile à la vérité. » Il continuera à écrire mais ne publiera plus rien jusqu’à la victoire. Tous les romans et textes rédigés pendant cette période seront publiés après la guerre ; Écrit en 40 ne paraitra qu’en 1944.
Chamson par …
Chamson (page d’un journal de l’écrivain en date de 1941, reprise dans l’article « Quand nous reviendrons de la guerre », Carrefour, mars 1945 et dans Si la parole a quelque pouvoir, 1948) :
« Je n’ai rien à dire au temps qui passe. On ne me permettrait que le mensonge. Devant cet effondrement des valeurs humaines, il ne peut y avoir de fierté que dans le silence. (…) Je ne veux rien donner à ce temps que je méprise. Le silence est un témoignage et tout témoignage doit être aujourd’hui une accusation. »
Chamson (Devenir ce qu’on est, 1959) :
« Il faut d’abord m’expliquer sur ce que j’appelle le silence. Soldat vaincu, harassé physiquement, éperdu de honte et d’angoisse, confiné dans la solitude, il me sembla que, tant que mon pays serait occupé par l‘ennemi, je me devais de ne plus publier une seule ligne, et je l’ai fait. Je m’imaginais que ce silence aurait sa vertu. C’était une illusion que je ne regrette pas. »
Éditions
Repris in La Patrie se fait tous les jours. Textes français 1939-1945 publiés par Jean Paulhan et Dominique Aury, Paris : Éditions de Minuit, 1947.
Écrit en 1940, Arche, décembre 1944, janvier-février 1945.
Repris in Les Livres de la guerre, Paris : Omnibus, 2005.